dimanche 16 décembre 2012

Homosexualité, le point de vue de Mirabeau

Il est drôle, Honoré-Gabriel RIQUETI de MIRABEAU, libertin des Lumières du XVIIIème siècle. Pour lui, l'homosexualité masculine est contre nature, mais dans certains cas tolérables. En revanche, celle des femmes est totalement acceptable et très naturelle compte tenu de la condition dans laquelle on les tient...

[Le narrateur répond à sa fille Laure - ce n'est pas sa vraie fille de sang - qui s'interrogeait sur le fait qu'il avait montré bien du plaisir lors d'une partie fine à trois, où ces deux avaient invité un jeune homme de leur connaissance. Elle demandait si cet émoi - visible - était dû à la présence du jeune éphèbe...]

— Que tu t’es trompée, ma chère enfant ! j’avais des désirs, il est vrai, tu en voyais les signes certains. Eh ! qui n’en aurait pas eu ? Mais les attraits et les charmes répandus sur toute ta personne en étaient les principaux mobiles ; la scène y ajoutait, mais Vernol n’y était pour rien. Je t’avoue même que le goût de beaucoup d’hommes pour leur sexe me paraît plus que bizarre, quoiqu’il soit répandu chez toutes les nations de la terre ; outre qu’il viole les lois de la nature, il me paraît extravagant, à moins qu’on ne se trouve dans une disette absolue de femmes ; alors la nécessité est la première de toutes les lois. C’est ce qu’on voit dans les pensions, dans les collèges, dans les vaisseaux, dans les pays où les femmes sont renfermées ; et ce qu’il y a de malheureux, ce goût, une fois pris, est préféré. Je ne vois pas du même œil celui des femmes pour le leur ; il ne me paraît pas extraordinaire, il tient même plus à leur essence, tout les y porte, quoiqu’il ne remplisse pas les vues générales ; mais au moins il ne les distrait pas ordinairement de leur penchant pour les hommes. En effet, la contrainte presque générale où elles se trouvent, la clôture sous laquelle on les tient, les prisons dans lesquelles elles sont renfermées chez presque toutes les nations, leur présentent l’idée illusoire du bonheur et du plaisir entre les bras d’une autre femme qui leur plaît ; point de dangers à courir, point de jalousie à essuyer de la part des hommes, point de médisance à éprouver, une discrétion certaine, plus de beautés, de grâces, de fraîcheur et de mignardises.
Que de raisons, chère enfant, pour les entraîner dans une tendre passion vis-à-vis d’une femme ! Il n’en est pas de même à l’égard des hommes, rien ne les y porte ; en général, ils ne manquent point de femmes, le chemin qu’ils recherchent n’est pas moins semé de dangers que celui qu’ils fuient dans les femmes ; enfin, il me paraît contraire à tout, et tu dois te souvenir, que c’est l’unique fois que j’aie agi de même avec Vernol. Si ce goût recherché me paraît plus que bizarre avec les hommes, ne pense pas que je le regarde de même avec les femmes : un homme mal fourni dans un vaste chemin est obligé de chercher la voie étroite pour répandre, après, la rosée bienfaisante dans le champ qu’il doit ensemencer. Mais il y a plus : il existe des femmes qui ne peuvent être aimées que par ce moyen, et, chez elles, l’entrée du sentier est presque toujours exempt d’épines.




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http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Rideau_lev%C3%A9_ou_l%E2%80%99%C3%A9ducation_de_Laure

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