mercredi 2 mai 2012

Vendéen, Philippe Katerine

Un carnet de pensées, notes diverses, souvenirs, relevés dans le désordre, au fil de l'année 2007. Souvent très drôle. Permet d'approcher ce personnage singulier. On y apprend qu'il est originaire d'un  bled de Vendée.

Un parmi d'autres :

"J'ai grandi à Chantonnay (7000 habitants) en Vendée Super Catho où le basket (le sport des curés) attirait tous les dimanches à 15H30, au minimum 500 personnes. L'équipe première du club : l'Epine (qui s'y frotte s'y pique !" chantait-on) évoluait en Nationale 3 (c'était juste avant les pros).
En 1978, l'Epine a recruté un américain venu de Chicago. Il était noir, il mesurait 2m05 pour 118 kg sur la balance. Un véritable masto. Le club l'avait eu à bon prix parce qu'il sortait un peu de prison.
Moi, j'avais 10 ans et le basket comptait  beaucoup dans ma vie. Shelby a débarqué, il devait voir une vache pour la première fois et il nous entraînait tous les mercredis (c'était dans ses attributions) dans cette salle plutôt conçue pour les concours charolais. Il arrivait supra-cool avec ses mini-couettes et son ghetto Blaster et nous enseignait l'ABC avec quelques mots ('Défense", "Basket", "Rythm"...) et la musique à donf' (genre Curtis Mayfield). Ce mec était génial, un extra-terrestre, je l'adorais.
Après les matchs, il me portait parfois sur ses épaules et à 2m40, tout le monde avait vraiment l'air bête.
Le dimanche en première, il se baladait grave devant les Cholet, la Baule ou les Chambretaud... des moyennes de 50 points, avec des pointes jusqu'à 70. Totale démonstration. Défaut : un peu irascible, donc souvent out à 5 fautes. Mais il était classe et tous les joueurs avaient l'air de cons à côté. En plus, Shelby, il était vraiment funky, vraiment funky.
Je le croisais à UNICO avec ma mère, il m'apercevait et claquait ma main "Yeah ! Philip Yes, man !!!"
J'étais à la fois aux anges et je savais pas où me mettre.
Le dernier match de la saison 78, (l'Epine a fini deuxième) contre la Similienne de Nantes, c'était un dimanche et il pleuvait, Shelby est sorti sur 5 fautes à la 25ème minute et évidemment l'Epine a perdu. On était déçu  (privé de montée) et quand l'équipe est revenue saluer son public, Shelby n'était pas là. Il avait disparu. C'était bizarre parce que c'était pas son genre de faire la gueule, il avait toujours le sourire même quand il perdait.
Vers 20 heures, mon père reçoit un coup de fil à la maison, Shelby avait foutu le camp avec la 404 du club et la recette du match.
Une semaine après, la 404 était retrouvée à Bruxelles dans un terrain vague, sans Shelby, sans le fric.
Scandale à Chantonnay, tout le monde était sur le cul. Dégoûtés, j'ai même entendu un dirigeant murmurer "J'vous avais dit de pas prendre un noir !" Dégoûté.
Moi, je ne savais pas si j'étais déçu ou encore plus fasciné. Seulement, je l'imaginais au volant de la 404 avec le blé, le sourire aux lèvres et la musique à fond, sur "ghetto blaster" et c'est sûr que j'aurais vraiment  voulu être lui à ce moment-là."

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