lundi 25 septembre 2017

La tribune de Baptiste Beaulieu, sur l'opposition crasse à la PMA,

que je me fais un plaisir de reporter ici :

"Amandine, le premier bébé français né par fécondation in vitro, une procréation médicalement assistée (PMA), a vu le jour le 24 février 1982.
Je suis né le 2 août 1985.
Trois ans après.

J'ai grandi 32 ans sans vous connaître. La TOTALITÉ de ma vie. Dans quel trou obscur et reculé du globe vous terriez-vous pendant 35 ans ?

On ne vous a pas entendus remettre en cause l'extraordinaire progrès technique que constitue la PMA quand celle-ci ne concernait que les couples hétéros infertiles. Où étaient, alors, Gérard Collomb et ses craintes de nous voir "tous cousins" ? A-t-on surpris La Manif pour tous dénoncer ad nauseam le "droit à l'enfant" ?

Où étaient Christine Boutin et toute sa clique, ceux qui revendiquent le droit de l'enfant de connaître l'identité de son géniteur, où étaient-ils quand le Cecos palliait l'infertilité masculine des couples hétérosexuels en substituant le gamète de monsieur par celui d'un inconnu ?
Où était-il, alors, le hashtag #PMAsanspere ?

Etre ou pas de bons parents

Remarquons ensemble que les couples lesbiens ne pourront pas "mentir aux enfants", contrairement à d'autres... Combien de pères cachent à leurs petit.e.s la vérité sur leur filiation biologique ?
A-t-on entendu Elisabeth Lévy confessant (quel crève-cœur !) sa nostalgie d'un temps où on concevait les bébés en "faisant l'amour" quand la PMA ne concernait que les couples hétérosexuels infertiles ?
A-t-on subi Eric Zemmour et ses sombres prédictions, selon lesquelles  "les pauvres, par leurs cotisations, paieront les caprices des riches" ?
Pourtant, l'affaire est bien connue : les lesbiennes, les gays, les transgenres ne paient pas d'impôts.
Ils ne paient pas pour les écoles des enfants de couples hétéros, ils ne paient pas pour la Sécurité sociale des enfants des couples hétéros, etc.
A-t-on entendu pendant 35 ans André Vingt-Trois théoriser le danger terrifiant du "principe d'égalité" ? Principe qui aboutit invariablement, selon lui, "à reconnaître un droit à l'enfant universel" et à "la réduction de l'enfant à être l'objet d'un désir".
Mais tu sais quoi, André ?
Etre "l'objet d'un désir", voilà ce qui peut arriver de mieux pour un nourrisson dans ce monde violent et injuste, où tant de bébés sont parachutés "par erreur ou par inconscience" !
Arrêtez de placer les lesbiennes en dehors du champ de l'humanité.
Arrêtez de les biologiser, de parler sans elles, de soupeser leurs vies, de jauger la viabilité de leurs espoirs, de leur habilité à éduquer, de leurs dispositions à être ou pas de bons parents.
Au passage, qui questionne les dispositions des parents hétéros à être de bons parents ? Quand je m'occupe d'une gamine battue et violée par son père, qui évoque cela ? 
Quand je reçois un gamin aux urgences, qui a joué avec le fusil de papa et auquel il faut retirer 2 mètres d'intestin à cause de la balle, qui se soucie de l'hétérosexualité de ses parents ?
Les personnes LGBT+ ne sont pas "en dehors" de vos humanités. Elles SONT l'Humanité, parce qu'elles symbolisent le vivant visage de la diversité du genre humain.

Lesbophobie la plus crasse

Vous vous comportez comme ces Blancs qui refusaient de partager les mêmes parties de bus que les Noirs durant la ségrégation (on ne choisit pas plus sa couleur de peau que son orientation sexuelle !).
Vous êtes des tartuffes, des hypocrites, d'artificieux dissimulateurs de la lesbophobie la plus crasse.
Ne vous cachez plus derrière des problèmes éthiques : des gens bien plus brillants que nous (et dont c'est le métier) ont mis quatre ans avant de statuer favorablement ! Lisez le compte rendu du CCNE.
Et c'est incroyable. Malgré 1.460 jours de débat et une conclusion nette, on demande encore leur avis aux lesbophobes de tout genre dans les médias. Il suffit pourtant d'une demi-journée au gouvernement pour signer deux-trois ordonnances réformant tout le Code du Travail.
De quel obscur recoin sec du cœur vous vient ce besoin de prolonger en résonance les crachats homophobes de La Manif pour tous ?
Ne nous avez-vous pas assez salis ? Pas assez comportementalisés ? Pas assez instrumentalisés ? Ne nous avez-vous pas assez jaugés, psychiatrisés, raillés, jugés, décortiqués jusqu'à l'âme ?
Vous manquait-on tant que cela qu'il vous faille gratter, et gratter, et gratter encore ? Allons, à l'os ! La hausse de 78% des agressions homophobes durant les débats autour du mariage pour tous ne vous a-t-elle pas suffi ?
Notre société est loin d'avoir attendu la PMA pour voir des femmes élever des enfants "sans père" parce que celui-ci a fui ses responsabilités et s'est barré.

Profondément féministe

Ce qui vous défrise, c'est que deux femmes fassent sciemment le choix de se passer d'un homme dans leur vie intime.
Je ne développerai pas ce point par humilité. Les lesbiennes se plaignent suffisamment qu'on leur vole la parole et je m'en veux presque de parler ici à leur place mais ce qu'on entend est tellement révoltant.
Ce qui vous défrise, c'est l'idée que deux femmes puissent s'aimer d'un amour aussi pur, aussi fort, aussi invincible – ce genre d'amour qui donne envie de fonder une famille –, sans faire entrer d'homme dans l'équation. 
Alors je vous repose la question.
Amandine, le premier bébé français né par PMA, a vu le jour le 24 février 1982. Je n'étais pas né.
Nous voilà en 2017, et je vous vois surgir.
Où vous terriez-vous donc pendant 35 ans ? Où lisait-on vos slogans ? Sur quelles fréquences radio entendions-nous vos indignations ? Et vos préoccupations sur les bébés à naître ?
Où ?
Baptiste Beaulieu


En tête de page de Rue 89 aujourd'hui.

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