samedi 20 mars 2010

Par la main de l'amasseuse





Rêve d'enfance, 1965, Assemblage - Boîte-reliefs, Bois flottés, bois, peinture

35x35x5 cm

Bien des artistes sont des amasseurs compulsifs. Ainsi Yolande Fièvre, la bien nommée.

Née le 27 janvier 1907 à Paris. Elle peint jusque dans les années 50, puis passe à l'utilisation d'objets récupérés, notamment les bois flottés. L'exposition qui s'est tenue dans l'hiver 2007-2008 à la Halle St Pierre (au pied de Montmartre) présentait à la fois des peintures de sa "première période", mais surtout (c'est beaucoup plus de mon goût) des tableaux-boîtes, qu'elle appelle "boîtes - reliefs", dans lesquelles sont rangés toutes sortes de petits débris abandonnés par la mer sur la ligne des laisses. On peut y voir des reliques (rappelant les reliques médiévales des saints - il y a pas mal d'os dans ses compositions), beaucoup de nostalgie et de poésie intérieure, et en même temps cela recompose des univers qui laissent de l'espoir dans un monde nouveau. Certains tableaux ressemblent à des plans de villes américaines, ce sont toujours des espèces de sociétés, plus ou moins vivantes (certaines évoquent des cimetières ou des nécropoles) mais le rêve y tient une grande place. Les titres des oeuvres orientent d'ailleurs franchement dans ce sens. 

Elle fut en relation suivie avec - entre autres- Jean Paulhan, dont elle sera un temps la petite amie (elle le rencontre à Vence, en 1938, chez Dubuffet), Iris Clerc et Jean Dubuffet.

Elle a été très proche des surréalistes, notamment des poètes, mais n'en a jamais fait partie vraiment, étant à la fois trop indépendante, et s'éloignant par certaines orientations des "fondamentaux " du mouvement (elle revendique l'omniprésence de Dieu dans son existence).

En 1942, elle épouse André Pierre Dubois, un type maniaque, plus âgé qu'elle, qui lui interdit de parler. Pas de chance pour lui, elle est atteinte de logorrhée. Elle n'a pas eu d'enfants, sa maternité frustrée se transformera en amour exacerbé pour les animaux. C'est Landy (un singe offert par Jean Paulhan) qui subira le flot de ses paroles... Finalement ellle vivra seule pratiquement toute sa vie.













Sans titre, Assemblage, Boîte - reliefs, Bois flottés, écorces, pierres, argiles

En 1964, Yolande Fièvre écrit à Iris Clerc :

"Je me sépare de tout grâce à François [un autre singe] qui brise et déchire tout ce qui lui tombe sous la main. François est un vrai blouson noir - mangeur de clous, papier, bois, etc, son arme préférée - le couteau - il devient grand - il est superbe - je ne sais comment cette aventure se terminera - je ne sais plus où me fourrer pour ne plus le rencontrer [...] Il ressemble de plus en plus à Cocteau - c'est très gênant- il efface ou arrache les yeux à toutes ses poupées, c'est une passion. "




Yolande Fièvre en 1962

Yolande arrive tout de même à se concentrer. "En ce moment, je fais des Horus (à tête de poisson, des singes bleus d'Océan), j'édifie des villes.[...] Je deviens de plus en plus obscure - parfois je me demande comment ai-je pu si bien réussir à me défigurer ?"

Extrait de la biographie du catalogue de l'exposition "Yolande Fièvre", éd. Halle St Pierre, 2007 

Elle meurt le 22 février 1983, à son domicile dans le 14ème arrondissement, dans un extrême dénuement et une certaine indifférence.


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