mercredi 1 mai 2019

De la Nature, pour Marguerite Porete

Marguerite Porete est une femme originaire du nord de la France qui vécut de 1250 à 1310. Elle est l'autrice d'une oeuvre mystique qui la conduisit au bûcher : "Le miroir des âmes simples et anéanties".

Sur la notice Wikipédia, on trouve cette citation :

« Ah ! Dieu, que Nature est subtile en bien des points en demandant sous apparence de bonté et sous couleur de nécessité ce qui nullement ne lui revient »

Comme je ne savais pas ce que pouvait représenter le concept de "nature" dans l'esprit d'une femme du XIVème siècle, je posai la question à Pierre-Elie. qui me fit cette réponse :

"c'est difficile à dire sans contexte, mais il semble qu'il y a une tradition exprimée par exemple dans le Roman de la Rose qui parle de l'amour charnel comme d'une ruse de la Nature pour amener les humains à la reproduction. Le Roman de la Rose vante et admire cette ruse. Au contraire, Marguerite Porete dit que la Nature est "subtile" au sens péjoratif : elle est manipulatrice, elle complote et ruse pour "demander" l'esprit et le corps qui ne lui reviennent pas (puisqu'ils reviennent à Dieu). Elle s'oppose à la tradition romanesque qui veut que la Nature est "vicaire de Dieu" et que Dieu et la Nature ont la même volonté. Je suppose qu'elle défend une chasteté absolue – reste à savoir si elle recommande cette chasteté pour quelques âmes pieuses seulement, ou pour l'espèce humaine toute entière ; la phrase ne le dit pas."

J'aimerais croire que "subtile" n'était pas péjoratif, et qu'elle envisageait la ruse de cette "Nature" personnalisée avec beaucoup de malice et comme l'accueillant avec bienveillance. Malheureusement, la pensée et l'oeuvre de Marguerite Porete n'ont pas été mises à l'index dans ce registre-là, mais sur des points de doctrine de théologie pointilleuse, qui n'écartaient pas l'autrice de l'orthodoxie de l'époque, puisque "Les travaux des historiens ont montré que cette hérésie n'avait de réalité que dans l'esprit des prélats et théologiens qui la condamnèrent. "

Robert E. Lerner, The Heresy of the Free Spirit in the Late Middle Ages, Berkeley, University of California Press, 1972.





Merci Pierre-Elie !


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